Les bloggeuses et instagrammeuses sont toutes des hystériques ?

Haaaa, vous n’imaginez même pas combien de fois j’ai pu entendre cette phrase durant cette dernière année. Je me souviens des paroles de ma meilleure amie quand je lui ai dit que je voulais commencer un blog sur l’expatriation : « Quoi, mais tu ne vas pas faire un blog, c’est un truc d’hystérique !! ». Cette phrase m’a trottée dans la tête pendant longtemps.

Vous l’avez constaté, j’ai quand même fait mon blog. Mais aujourd’hui j’ai envie de me pencher sur ce potentiel cliché dans cet article blabla.  

Bon, commençons par la base. Je suis montée au grenier ressortir mes bouquins de psycho pour trouver une définition. Et oui j’ai fait psycho, certains vont dire que j’ai loupé ma vie, mais je m’en fiche, cela m’a passionnée. Et même si je ne ferais surement pas une carrière de psychologue, j’ai compris que j’étais réellement faite pour aider des autres.

Bon revenons à nos moutons.

Ce mot évoque, chez beaucoup de monde, des représentations mentales telles que des crises où des femmes (la plupart du temps) hurlent, cassent des objets, ne se maîtrisent plus.

Je vous rassure vous n’êtes pas totalement dans l’erreur puisque pendant des siècles c’est la seule image qu’on avait alors de cette « pathologie ». Mais heureusement aujourd’hui ce terme n’a plus la même connotation.

Un peu d’histoire :

Ce mot et le « concept » derrière remonte à l’antiquité. Hippocrate « fixe le siège de l’épilepsie dans le cerveau et celui de l’hystérie dans l’utérus »1. L’hystérie est alors vue comme un truc de femme victime de répression sexuelle. Platon nous explique cela : « L’utérus est un animal qui désire engendrer des enfants. Lorsqu’il demeure stérile trop longtemps après la puberté, il devient inquiet, et, s’avançant à travers le corps et coupant le passage à l’air, il gêne la respiration, provoque de grandes souffrances et toutes espèces de maladies »1. Cette vision va durer de nombreux siècles, mais va prendre une autre dimension à l’époque médiévale ou on rapproche alors hystérie et maléfices diaboliques. Je vous laisse conclure du devenir d’une hystérie …

L’hystérie c’est quoi ?

La psychologie « moderne » va être amenée à travailler sur ce concept. On ne parle alors plus seulement de crise hystérique, mais plus d’une structure de névrose hystérique. Les cris, hurlements, l’agitation et toutes les caractéristiques qui sont dans nos esprits quand on parle d’hystérique sont les derniers et très visibles symptômes d’une structure plus grande.

En psychologie, le plus souvent on parle de trois types de structures : névrose, état-limite et psychotique. Une structure est la façon dont mûrie notre psyché (manifestations conscientes et inconscientes de la personnalité d’un individu) face au vécu, aux expériences et aux traumatismes des personnes.

Du point de vue psychanalytique, l’hystérie est vue comme une insatisfaction du désir sexuel qui amène à avoir des comportements pour attirer l’attention à soi. Ce besoin d’être au centre de l’attention est selon Freud, à l’origine, un conflit psychique inconscient lié à une insatisfaction, à l’âge adulte, d’un désir sexuel infantile.

Aujourd’hui, la psychologie comportementale et cognitive voit l’hystérie comme une personnalité et parle d’histrionie pour laisser au passé l’hystérie et l’image qu’on en a.

La personnalité histrionique est donc un trouble de la personnalité qui se caractérise par un mode généralisé de réponse émotionnelle excessive en quête d’attention, représenté les manifestations suivantes2 :

  • Le sujet est mal à l’aise dans des situations où il n’est pas le centre de l’attention d’autrui ;

C’est une bloggeuse qui ne va pas aimer qu’une autre ait plus de like qu’elle. Ou qui dans un regroupement, ne va pas aimer qu’on ne parle pas seulement d’elle.

  • L’interaction avec autrui est souvent caractérisée par un comportement de séduction inadapté, ou d’attitude provocante ;

C’est une instagrammeuse qu’y va se prendre en photo dans des positions suggestives ou dans des tenues aguichantes pour avoir plus de like.

  • La satisfaction immédiate de ses besoins, par autrui, est une préoccupation constante pour lui;

C’est une bloggeuse qui ne va pas comprendre pourquoi on ne la fait pas passer en premier dans nos priorités. Ou qui ne comprend pas pourquoi on lui demande pas ce qu’y va pas, si elle ne poste pas tel ou tel jour.

  • Son expression émotionnelle est superficielle et instable ;

C’est une bloggeuse qui va changer très rapidement d’émotion, qui va être en colère à la moindre contrariété ou s’exciter rapidement pour quelque chose de simple.

  • Le sujet utilise régulièrement son aspect physique pour attirer l’attention ;

C’est une instagrammeuse qui va se mettre énormément en scène sur ses photos, qui va se dévoiler pour avoir plus de like.

  • La manière de parler est trop subjective et pauvre en détails ;

C’est une bloggeuse qui va avoir beaucoup de conviction, mais peu d’arguments. Qui va parler pour ne rien dire.

  • Il y a une dramatisation (théâtralisme, exagération du pathos) et une exagération de l’expression émotionnelle ;

C’est une instagrammeuse qui pense qu’un événement banal mais contrariant est un drame absolu (ex : marcher dans une grotte de chien).

  • Le sujet fait preuve de suggestibilité : il est facilement influencé par les autres ou par les circonstances ;

C’est une bloggeuse qui pense que sa vie est finie car il fait moche dehors. Ou qui change facilement d’avis.

  • Le sujet a tendance à considérer que ses relations sont plus intimes qu’elles ne le sont en réalité.

C’est une instagrammeuse qui va penser que toutes ses connaissances sont de fidèles ami(e)s et que tous ses abonnés lui sont dévoués.

 

Et là, vous me dites « QUOIIII ???? Mais moi j’ai parfois fait ça, ou ça. ». Ou, «J’avoue je suis un peu comme ça mais bon je ne suis pas hystérique ».

 Je vous rassure l’histrionie peut exister à l’état de traces chez une personne tout à fait équilibrée. Il faut au minimum 5 des 9 critères pour que l’on parle de pathologie. On a tous un peu de chaque personnalité en nous, c’est ce qui crée notre caractère, notre personnalité, ce qui régit nos comportements.

Mais, et les bloggeuses / instagrammeuses alors ????

Bon, faisons le point ensemble.  Je ne vais pas m’attacher à la psychanalyse ou la psychologie clinique, car je ne veux pas rentrer dans des débats sur l’Œdipe et la véracité de ces théories. Mais d’un point de vue comportementale, nous connaissons tous (j’en suis sûre) des hommes et des femmes avec ces caractéristiques. Ce besoin d’être au centre de l’attention des autres, cette frustration face à l’autre qui prend une place plus importante qu’elle dans le groupe, parle plus qu’elle, ou rassemble plus. C’est une personne qui minaude, qui s’expose, qui veut toujours se montrer à son avantage pour plaire et être aimé, pour qu’on la remarque. Une personne qui supporte difficilement qu’on lui dise non, qu’on lui dise plus tard, qu’on ne prenne pas de nouvelles d’elle. C’est une personne qui va toujours se mettre en scène, faire une action dans le but d’être remarqué.

Il ne faut pas oublier que c’est une souffrance pour ces personnes et qu’elles sont en constante attente de l’autre. Or, le blogging et les réseaux sociaux, notamment Instagram, sont souvent pour les bloggeuses/instagrammeuses des moyens de se sentir entourer par autrui. D’avoir cette attention tant désirée.

Comment on le voit :

Parfois, on peut se rendre compte quand on regarde certains blogs/comptes instagram que les bloggeuses/instagrammeuses sont dans une course aux likes/aux abonnés. Elle privilégie l’instagrammable à l’authentique, le cliquable à la qualité et à l’originalité. Ce côté hyper superficiel peut laisser penser à l’hystérie. Et honnêtement, certaines rentrent dans les cases. Elle ne voit le monde qu’à travers leurs applications, se vexent quand on émet un avis sur leur travail et ne supportent pas d’être en compétition avec d’autres bloggeuses/instagrammeuses.

 

 

1 : Bergeret, J. (1974). La Personnalité normale et pathologique. Paris : Dunod.

2 : American Psychiatric Association. (2003). DSM-IV-TR : manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (4e éd. rév.; traduit par J.-D. Guelfi et M.-A. Crocq). Paris, France : Masson.

Un commentaire Ajouter un commentaire

  1. Salomé dit :

    Très cool cet article Manon!! Bravo 😉

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